Giant Jack nous a donné rendez-vous à crépuscule moins le quart, quelque part en bord de fleuve. Il était adossé au flanc d’une colline couverte de sapinettes bleues. Le géant arborait un nid de poule d’eau en guise de couvre-chef, poules d’eau qui s’égayaient sur sa Daliesque moustache, longue comme un étendoir.  

La cartographie de ses rides donnait à son visage un je-ne-sais-quoi de site archéologique. Lorsqu’il se mit à parler, les hiéroglyphes se mirent en mouvement.  

- Bonjour mon petit ! Lâcha le géant avec un sourire dont la tendresse fracassée ne parvenait pas à effacer l’impression qu’à n’importe quel moment, il pouvait décider de briser mon crâne entre ses dents. 

- Bonjour mon vraiment très grand ! Répondis-je.
Pardon de vous poser la question aussi crûment, mais…est-ce que vous êtes vivant ?

- Je me sens vivant, c’est le plus important. Je suis mort tant de fois que j’ai probablement développé une forme d’immunité contre la mort. Mais, je dois reconnaître qu’à bientôt cent-cinquante ans, mon activité physique commence à ressembler à celle d’un arbre.

- En effet, vous commencez à ressembler à un cèdre qui parle.

- Je me sens plus proche du chêne… des oiseaux habitent en moi, au même étage que mes souvenirs.

- Puis-je vous faire remarquer que vous avez des grenouilles dans la barbe ?

- Ah ! C’est parce qu’il a plu…
Le coassement des rainettes ponctuait ses phrases. 

- J’ai appris à aimer la pluie. Maintenant que je ne peux plus bouger, le ciel est ma nouvelle maison. 

- « Le ciel est ma nouvelle maison… » Je n’aurais jamais cru vous entendre dire une chose pareille… Seriez-vous devenu croyant en vieillissant ?

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